Coucou,
West Side Story est une comédie musicale de Leonard Bernstein et Stephen Sondheim jouée pour la première fois en 1957 à Broadway. C'est aussi un film réalisé par Robert Wise et Jerome Robbins (qui signait déjà les chorégraphies de la version sur scène) sorti en 1961. Un film qui a gagné 10 Oscars, ce qui est impressionnant et un peu exagéré quand même, il ne devait rien y avoir de transcendant au cinéma cette année. D'ailleurs une rapide
vérification le confirme à peu près (il y avait
La Dolce Vita, quand même).
Les Jets claquent des doigts parce que c'est viril
Ce qui est amusant, c'est qu'il y a pas mal de différences entre la comédie musicale et le film. Le principal est l'ordre de quelques chansons. Sur scène, on a tenté d'avoir des actes à peu près équilibrés : le premier se termine après la bagarre, le deuxième c'est la découverte des décès et les conséquences. Dans le film, la bagarre arrive très près de la fin, pour être une sorte de point culminant de l'action (la dernière partie du film est d'ailleurs assez lente et un peu barbante il faut bien le dire).
Bernardo a astucieusement choisi un mur rouge pour mettre en valeur sa chemise rouge
Quelles sont les chansons qui ont bougé ? Les chansons gaies qui étaient dans le deuxième acte, et tout particulièrement
I Feel Pretty et
Gee Officer Krupke. Inversement, Cool est passé d'avant la bagarre (sur scène) à après (au cinéma).
Ce qui n'est pas sans incidence ! Il y a des détails « pratiques » : c'est Riff qui « mène »
Cool sur scène, mais dans le film au moment où la chanson arrive il est déjà mort, et c'est Ice qui le remplace. Ice, qui sur scène s'appelait Diesel. Vous suivez toujours ?
Pour équilibrer... et rester cohérent avec le fait que c'est Riff le chef des Jets, c'est lui qui mène
Gee Officer Krupke (alors que c'est Action sur scène). Beh oui il est encore vivant donc il peut chanter, le chef !
Miss America, bravo, speech! Les changements d'ordre ont également rendues nécessaires des adaptations de paroles, principalement pour
I Feel Pretty. Sur scène, la chanson était chantée de nuit (après la bagarre mais avant qu'elle n'apprenne ce qui s'y est passé) dans la chambre de Maria, et on l'entendait dire «
I feel pretty and witty and bright, and I pity any girl who isn't me tonight. » Mais au cinéma, elle chante le jour dans le magasin et prononce les paroles bien connues «
I feel pretty and witty and gay, and I pity any girl who isn't me today. » Ce qui a permis au père de Chandler de reprendre cette chanson dans son spectacle à Las Vegas, comme vous ne l'ignorez probablement pas.
Dernières conséquences de ces changements d'ordre : l'interprétation des paroles n'est plus du tout la même. Autant je dois dire que Cool prend pour moi beaucoup plus de sens après le combat, autant je dois dire que je suis déçu que le côté second degré voire cynique ou désespéré de
I Feel pretty et de
Gee Officer Krupke est complètement perdu, on se retrouve dans une interprétation très terre à terre. C'est cohérent, certes, mais on perd un peu en originalité.
Il y a d'autres changements qui sont là pour des raisons de correction politique (faut faire politique correct, quoi). Je pense tout particulièrement aux paroles de
America. Il y a un très chouette site qui permet de les lire en version
scène et
cinéma. Les deux chansons n'ont presque plus rien à voir ! Sur scène, on a droit à un duo (duel ?) entre Anita, qui vante les joies du rêve et américain et critique assez durement la vie à Porto Rico, et Rosalia qui a gardé un souvenir nettement plus positif de l'île de ses origines... Au cinéma, le duo se fait entre Anita et Bernardo, et cette fois-ci Anita vante toujours les mérites de la vie aux États-Unis mais ne dresse pas de portrait aussi noir de San Juan... Par contre Bernardo critique vivement New York et le racisme ambiant. Petit exemple :
Sur scène :
ROSALIA: I'll drive a Buick through San Juan. ANITA: If there's a road you can drive on.
Au cinéma :
ANITA: Buying on credit is so nice. BERNARDO: One look at us and they charge twice.
America
au cinéma : les filles d'un côté, les garçons de l'autre
Parmi les autres différences, on notera bien sûr la distribution : la plupart des acteurs de Broadway n'ont pas pu reprendre leur rôle à Hollywood, alors qu'ils savaient chanter et danser, eux. Mais voilà au cinéma il faut des stars, et même si Natalie Wood ne sait pas bien chanter et a dû être doublée par Marnie Nixon,c e n'est pas grave, on la prend quand même...
Je termine rapidement en citant les quatre passages que Jerome Robbins a eu le droit de réaliser avant de se faire virer du film : le prologue, Cool, I Feel Pretty et America. Il devait réaliser tous les numéros musicaux, mais était un peu trop maniaque pour la santé des acteurs (presque tous blessés à la suite du tournage de Cool) et les producteurs (presque ruinés avant de le virer).
Il y a encore plein de petites différences ici ou là, de trucs inversés (Tonight et America) ou de paroles changées car prononçables sur scène mais ne passant pas la censure au cinéma, mais je ne vais pas tout citer non plus !